On nous vend du numérique souverain comme on vend un mirage dans le désert. Pendant ce temps, nos données coulent dans des fleuves que nous ne maîtrisons pas, enfermées dans des silos privés. Et nous continuons à les alimenter. En France, seules 16 % des données des collectivités de plus de 3 500 habitants sont ouvertes.
Autant dire : un ruisseau dans un océan de silos privés
On parle de souveraineté numérique, comme si elle était à portée de main. Mais la réalité est plus brutale : notre infrastructure numérique est un château de cartes construit sur des bases étrangères. Nos mails, nos serveurs, nos logiciels… Ils obéissent à d’autres lois que les nôtres.
Alors, est-ce un combat perdu d’avance ? Non. Il ne s’agit pas de s’opposer au vent, mais d’apprendre à naviguer.
Et cela passe par trois axes :
Briser les silos avec les données ouvertes.
Passer d’une illusion de souveraineté à une véritable autonomie stratégique.
S’appuyer sur l’open source pour ne plus être captif.
Données ouvertes : un bien précieux que peu exploitent
Les silos, fausses oasis, vraies prisons
Les GAFAM ont compris une chose bien avant nous : la donnée n’a de valeur que si l’on contrôle son accès.
Résultat ? Des jardins fermés, où chaque utilisateur est un locataire temporaire, jamais propriétaire.
Les collectivités locales croulent sous les données. Mobilité, santé, urbanisme… Un puits de richesse souvent inexploité, car cloisonné, formaté selon des standards incompatibles, verrouillé par des contrats léonins.
Prenons un exemple concret : la mobilité. Imaginez une ville où les données de transport sont cloisonnées. Résultat ? Aucun acteur ne peut innover sur les trajets, les temps d’attente explosent, et les usagers subissent. Maintenant, imaginez la même ville où ces données sont ouvertes : applications en temps réel, optimisation des flux, nouveaux services locaux. C’est ce qui s’est passé en Flandres. Et pourtant, la France peine encore à suivre...
Autonomie stratégique : un business n’est pas un État
Arrêtons de parler de souveraineté numérique en entreprise
Un État peut revendiquer la souveraineté. Une entreprise, non. En revanche, elle peut choisir ses dépendances, limiter son exposition aux risques, et gagner en autonomie stratégique.
Les entreprises françaises qui utilisent des clouds américains sous couvert de souveraineté, c’est un non-sens. Mettez vos données sur AWS ou Azure, et elles sont accessibles sous juridiction américaine via le Cloud Act.
Construire une vraie autonomie
L’autonomie stratégique repose sur trois piliers :
- Diversifier ses infrastructures : ne pas tout miser sur un seul fournisseur.
- Privilégier l’open source : un code ouvert, c’est un code contrôlable.
- Maîtriser ses flux de données : savoir où elles transitent et comment elles sont stockées.
Exemple : Plutôt que Google Drive, utilisez Nextcloud. Plutôt que Salesforce, adoptez Odoo ou Dolibarr.
J’ai cru à la souveraineté numérique. Je me trompais
Jusqu'à aujourd'hui, j’ai parlé de souveraineté numérique en entreprise. Je pensais qu’il était possible, à notre échelle, de construire un espace technologique indépendant. Jusqu’au jour où un post LinkedIn m’a mis face à la réalité : une entreprise ne peut pas être souveraine.
Seul un État peut revendiquer une souveraineté. Une entreprise, elle, doit choisir ses dépendances, limiter son exposition aux risques et bâtir son autonomie stratégique.
Et là, j’ai compris.
Quand je vois des entreprises françaises parler de souveraineté… tout en mettant leurs données sur AWS ou Azure, je ne peux pas m’empêcher de tiquer. C’est une illusion. Avec le Cloud Act, les données hébergées par un acteur américain restent sous juridiction américaine. On ne peut pas parler de souveraineté quand notre infrastructure repose sur les règles d’un autre.
J’ai cru au mythe du contrôle. Voilà ce que j’ai appris
J’ai longtemps pensé qu’avoir un contrat avec un fournisseur cloud suffisait à garantir une indépendance. Faux. Une cage dorée reste une cage.
Dépendance invisible : On externalise nos données, on sous-traite nos infrastructures… et un jour, on se réveille pieds et poings liés.
Lois extraterritoriales : Si votre fournisseur est soumis au Cloud Act, il ne t’appartient plus totalement.
Prison technologique : Plus on s’ancre dans un écosystème fermé, plus il est difficile d’en sortir.
J’ai trouvé une autre voie : l’autonomie stratégique
Le jour où j’ai travaillé avec les Flandres. Là, j’ai vu ce que signifiait vraiment une autonomie stratégique. Plus besoin de s’en remettre à Google Maps pour gérer les transports. Plus besoin de dépendre d’un acteur unique pour gérer les flux de données urbaines. Les données ouvertes, c’était le carburant. Et l’open source, le moteur.
À ce moment-là, j’ai compris : la souveraineté était un mirage, mais l’autonomie était un chemin.
Tim Berners-Lee, père du web, ne veut pas de ce monde compartimenté. Il rêve de données liées, accessibles, interopérables, où chacun pourrait puiser et construire. SPARQL, ce langage souvent méconnu, est un outil clé pour briser ces murs et faire circuler l’information.
Au fil de mes expériences, notamment en travaillant avec les Flandres, j’ai vu que d’autres modèles étaient possibles. Ouvrir les données, exploiter l’open source, diversifier ses fournisseurs… autant de leviers concrets pour ne plus être otage d’un seul acteur.
Open Data : reprendre la main sur nos données
Les résultats parlent d’eux-mêmes. En Belgique, selon une étude de Deloitte pour la Commission européenne (2018), le bénéfice net potentiel de l’open data est estimé à 900 millions d’euros. Ce chiffre ne sort pas de nulle part : il reflète une réalité économique tangible. Et c’est colossal. Les entreprises locales qui exploitent ces données créent de nouveaux services, sans dépendre d’un géant de la tech.
Open Source : ne plus dépendre de solutions fermées
Pourquoi rester prisonnier d’un écosystème propriétaire quand il existe des alternatives ? Nextcloud au lieu de Google Drive, Odoo au lieu de Salesforce, Linux au lieu de Windows.
Choisir ses dépendances plutôt que les subir
L’autonomie, ce n’est pas l’isolement. C’est avoir la capacité de changer de fournisseur sans mettre en péril son business.
Je ne parle plus de souveraineté. Je parle d’autonomie
Les États se battent pour une souveraineté numérique. Moi, en tant qu’acteur du numérique, je me bats pour une autonomie stratégique, celle qui permet aux entreprises de garder la maîtrise de leur avenir technologique.
Nous avons le choix. Soit nous acceptons notre dépendance, soit nous prenons en main notre autonomie stratégique. Mais cela demande un effort. De l’investissement. Une vraie volonté de changer.
Et vous, êtes-vous prêt·e à reprendre le contrôle ?